mercredi 25 février 2015

Abonnés captifs

Dans un tweet agrémenté d’une photo où elle apparaît, resplendissante, comme posant pour une pub de dentifrice ultra brite, Anne Hidalgo se fend d’un « vous êtes aujourd’hui 300000 à me suivre et chaque jour plus nombreux à réagir et à soutenir #Paris : Merci ». Pour fêter l’évènement, qui a droit à une mention sur le site internet de la Mairie de Paris, la maire invite 10 followers à une visite guidée de l’exposition « Magnum ». Ce n’est pas la première fois qu'Anne Hidalgo se prévaut de son nombre d’abonnés, le site internet de la mairie ayant par exemple eu droit à un communiqué officiel : « Anne Hidalgo saluée comme "la Maire de France la plus influente sur Internet" », tandis qu’elle se réjouissait sur Twitter d’être en tête du classement des maires ayant le plus d’abonnés.

La performance de la maire de Paris, dont le nombre d’abonnés a bondi de 317% en 2014 (autant que la dette de Paris depuis 2001), est en fait tout aussi remarquable que douteuse, comme permet de s’en assurer une simple visite de ses abonnés. Data Match révélait à cet égard, fin 2014, que plus de 60% de ses abonnés étaient suspects.

Sans même accréditer l’hypothèse de l’achat de faux comptes, un élément très simple implique de relativiser l’audience de la maire de Paris. Son compte fait en effet partie de plusieurs des douze listes auxquelles il est proposé aux nouveaux membres du réseau social de s’abonner pour finaliser leur inscription, et en particulier de la première d’entre elles, celle de quarante comptes qualifiés de « populaires », cochée d’office. Si la liste est décochée par le nouvel utilisateur averti, et qu’il ne sélectionne aucune autre liste, l’étape suivante l’abonne automatiquement à ces quarante comptes. Ainsi, chaque nouvel inscrit sur Twitter France peut, sans démarche particulière de sa part, se retrouver abonné à quarante comptes qui finissent nécessairement par devenir populaires. Anne Hidalgo est le seul maire figurant dans cette liste.

La maire de Paris ne s’arrête pas à ce détail et ose, sans crainte du ridicule, se prévaloir de son nombre d’abonnés. Cette obsession du chiffre, sans que la qualité soit interrogée, rejoint sa passion pour l’événementiel qui se résume souvent à « qu’importe l’agrément pourvu qu’on ait l’attroupement ».

lundi 23 février 2015

Démocratie oui-oui

Après le simulacre de sa première édition qui visait à faire choisir les Parisiens entre des tipis et des marelles, conçus par l’exécutif parisien comme préparant le Paris de demain, le budget participatif est entré dans une nouvelle phase de plus grande ampleur et de plus grande participation, les projets n’étant pas proposés par les élus mais par les Parisiens.

Le budget participatif est-il pour autant de nature à « réenchanter la démocratie française », comme l’affirmait modestement Anne Hidalgo dans Le Monde daté du 16 septembre 2014 ?

Sur son principe, d’abord. Si l’exécutif parisien souhaite promouvoir la démocratie directe, Anne Hidalgo évoquant, décidément sans crainte du ridicule, « une votation qui n’aura rien à envier aux plus belles manifestations de démocratie directe dont s’inspire notre République », mieux vaut utiliser le référendum sur des projets structurants qu’offrir au peuple l’aumône de 5% du budget d’investissement scindés en innombrables petits projets, souvent ludiques et égoïstes, qui ne feront pas le Paris de demain. En fait, si l’exécutif parisien voulait discréditer la démocratie directe, il ne s’y prendrait pas autrement : au peuple les gadgets, à ses représentants les projets structurants. C’est peut-être ça, le réenchantement de la démocratie représentative.

Dans ses modalités, ensuite. Le budget participatif, tel qu’il est prévu, est très peu démocratique.

La démocratie, ce sont des règles garantissant l’égalité devant le suffrage de chaque électeur. Dans le système organisé par la mairie de Paris, rien ne permettra de vérifier qu’un électeur ne vote pas plusieurs fois, ou vote pour le compte de son voisin, et que devant le suffrage certains électeurs sont plus égaux que d’autres. Aucun système ne garantira par ailleurs que seuls votent les Parisiens. La question posée par l’élu UMP Jean-Baptiste de Froment lors du conseil de Paris du 17 novembre 2014 « qu’est-ce qui nous garantit que des décisions d’investissement importants ne seront pas prises par des écoliers américains en vacances ou de manière automatique » est restée sans réponse.

La démocratie, c’est aussi d’avoir le choix. En guise de choix, on ne pourra voter que pour des projets, jamais contre, et encore moins pour des économies (la démocratie, ce n’est pas pour les générations futures). Un petit groupe de pression bien organisé pourra ainsi imposer une idée qui susciterait le rejet d’une majorité de Parisiens. L’amendement UMP visant à introduire la possibilité de voter contre des projets a reçu un avis défavorable de l’exécutif parisien, tout comme l’amendement présenté par l’élu UDI Eric Azières visant à permettre de choisir de ne pas dépenser les crédits concernés, Pauline Véron, adjointe chargée de ce dossier, déclarant qu'étant un budget positif, « il s’agit de voter pour des projets et pas pour des économies ». Le positif, c’est la dépense. Dans la démocratie bénie oui-oui d’Anne Hidalgo, le choix se fait entre le oui et le oui, et on peut même voter plusieurs fois oui.